L'affaire Robert L.

J'ai souvent eu de drôles de hasard dans ma vie. Des choses qui m'arrivaient par accident sans que j'aie pu avoir d'informations préalables pour fabriquer ce hasard. Carl Gustav Jung appelle ça de la synchronicité. En voici un qui m'est arrivé il y a de très nombreuses années. C'est une histoire vraie.

Personnages : Alain J., Dave L., Robert L., moi-même.

J'étais très amie avec un collègue de travail du nom de Alain. Je le considérais comme mon frère. Il colocait avec quelqu'un d'autre, Dave, avec qui j'ai sorti à un moment donné.

Et voilà-t-y pas qu'il y avait un nouveau dans ma compagnie. Il livrait le courrier. J'habitais dans l'est de Montréal, près du métro Cadillac et j'avais remarqué que le nouveau, qui se retrouvait régulièrement dans le même wagon que moi à la même heure, le prenait à Berry-de Montigny. Après quelques jours, j'ai décidé que j'étais fatiguée de le voir si souvent par hasard, surtout qu'on sortait tous les deux au même métro à la même sortie, qu'on faisait la même rue en même temps, pratiquement pas le choix du même ascenseur sauf que lui sortait au 14^ème et moi au 15^ème, et qu'il refusait toutes mes tentatives de contact (de simples bonjours). Le gars avait pratiquement mon âge.

J'ai changé d'heure pour ne pas avoir à me trouver avec lui en même temps. ...Il a eu la même idée que moi! On s'est encore retrouvé en même temps dans le même wagon. Je suis revenue à l'ancienne heure. Même réflexe de sa part. J'ai décidé de prendre mon wagon à une place différente de la rame. Encore la même idée... Un autre endroit encore. Devinez ce qu'il a fait... Le manège a duré plusieurs semaines! Après ce moment, ça a arrêté. Ne me demandez pas comment ni pourquoi, je ne peux pas vous répondre. Peut-être a-t-il juste quitté son emploi. Tout ce que je peux dire, c'est que j'étais épuisée et que je commençais à m'en rendre malade.

Alors donc, j'apprends d'Alain et de Dave, avec qui j'avais commencé à sortir, que Robert, le frère de celui-ci, avait emménagé chez eux comme troisième coloc. Les deux gars m'en parlaient de manière assez négative parce qu'il était devenu évangéliste, cherchait à les convertir et n'était pas facile à vivre parce qu'il refusait de parler à quiconque n'était pas de sa nouvelle religion. Il compensait son manque de convivialité en étant rarement là.

Un jour que je vais faire une visite à Dave, son frère était là. Alors le frère sort de sa chambre pour voir qui c'est qui arrive et là je manque de tomber à la renverse. Qui était le frère de Dave? Pan dans le mille, mon type du métro! Lui aussi était pas mal dans tous ses états.

Des fois, la réalité dépasse la fiction !

© Michèle Dessureault, 2006, 2018