Mon popa (1924 -1991)

Le 11 avril 2018, ça a fait vingt-sept ans que mon père, Gérard Dessureault, est mort.

Je vais vous parler un peu de lui.

Il est né François-Gérard Dessureault, à Shawinigan, d'une famille très modeste de 15 enfants. Quatrième fils d'Émilia Lafontaine et d'Ernest. Quand il avait 5 ans, quelqu'un a maltraité la première partie de son nom et il est devenu seulement Gérard. Il a dû commencer à travailler à l'âge de 10 ans. À la fin des années 40, il a pu profiter du premier programme gouvernemental de bourses d'études, ce qui lui a permis de faire un baccalauréat et deux maîtrises, toutes reliées aux sciences commerciales et à la comptabilité. Il a été reçu comptable agréé en 1954, un des sept candidats sur 120 ayant passé.

Il a épousé ma mère, Françoise Paquet, en 1954. Première fille des neuf enfants de Fabiola Côté et d'Émile. Elle venait d'une des très riches familles commerçantes de Québec, les Paquet, qui a fait faillite en 1981. Mon père et ma mère ont eu trois enfants dont je suis l'aînée.

Mon père était un individu très discret. Une pierre tombale à côté de lui serait verbomotrice. Il ne parlait jamais de son travail à la maison. Tout ce que je savais c'étaient les ministères où il évoluait, car il était serviteur de l'état québécois : celui de l'Industrie et du commerce, celui du Travail dans le temps de Maurice Bellemarre, celui des Finances, celui du Revenu, le Vérificateur général de la province où il était lors de sa retraite, en 1987. Ce n'est qu'à sa mort que j'ai réalisé le genre de travail qu'il avait pu faire : un ancien sous-ministre du temps de l'Union nationale était au chevet de son lit de mort.

Il était aussi très solitaire. On ne lui a jamais connu beaucoup d'amis. Rarement on venait le voir, rarement on l'appelait. C'était une surprise à chaque fois. Le sous-ministre dont je viens de parler ne nous avait pas donné signe de vie depuis 20 ans et pourtant il le savait mourant. Il devait avoir gardé contact au dehors. Même ses frères et soeurs, qui habitaient tous en dehors de Québec, ne venaient pas souvent. Avant d'être comptable, il avait été électricien. Je me suis souvent demandée si continuer ce métier lui aurait donné plus d'entregent, s'il aurait été plus avec sa gang.

Ce n'est qu'une fois partie de la maison, en 1979, que j'ai commencé à le connaître. Premièrement, il avait réglé son problème d'alcool. Alors que je l'avais toujours vu comme quelqu'un de très sérieux, cravaté, sans fantaisie, comme un parent très sévère, je me suis rendue compte qu'il était au contraire une personne très libérale, tolérante, rigolote. Il aimait beaucoup jouer avec les mots de la langue, un peu comme Sol. Pour ma mère, catholique très pratiquante, je faisais partie d'une secte religieuse (j'ai été plusieurs années dans une organisation Nouvel Âge). Mon père, qui ne pratiquait plus depuis des lustres, n'a jamais porté d'opinion là-dessus et des fois j'avais la sensation qu'il partageait les miennes. J'avais fini par développer une certaine complicité avec lui. Surtout devant la maladie qui l'a emporté puisque je savais ce qu'il souffrait.

Il est mort d'un cancer de la gorge qui n'a pas été pris à temps et s'est généralisé. Le cancer de la gorge, c'est toutes les tasses qu'il s'est cravaté dans la vie. Ça l'a pas aidé. Mon regret, mais je n'y peux rien, c'est de ne pas avoir eu plus de temps pour le connaître mais aussi de savoir qu'il est mort du cancer alors que moi j'y avais survécu, quelques années auparavant.

© Michèle Dessureault, 2006, 2018

Commentaires

  1. Moi aussi mon père a eu le cancer de la gorge alors je comprends que ce n’est pas toujours facile. Il est important de se souvenir des bons moments passés avec nos parents car il resteront gravé dans notre cœur à jamais.

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