Épée Indomptable, Clarté Lumineuse - Seizième chant

Alerté par Neuf Nuages, Ulfilla se précipita à l’hôpital. Taide était assise dans un fauteuil, consciente, bien. Comme le médecin ne savait pas dans quelle mesure cette piqûre et la maladie étaient liés, elle était sous observation.

Il prit place à ses côtés et lui saisit la main, sans un mot.

Puis, il entonna une chanson d’une voix douce pour la réconforter. Une chanson où le Seigneur Épée Indomptable déclarait son amour à la Princesse Clarté Lumineuse. Le répertoire sur les amoureux mythiques était très riche et dans ce cas-ci, très significatif. Les Îles étaient très mal choisies pour ce type de rengaine, mais comme personne ne comprenait la langue d’Artham, le barde n’y voyait pas vraiment de problèmes.

Puis, durant la nuit, les premiers symptômes de la maladie apparurent. Taide fut installée sur un lit dans une des salles, Ulfilla la bordant comme une maman sa gamine, lui donnant de premiers traitements. Il déplaça sa chaise à côté d’elle et veilla. 

— C’est la première fois qu’on peut prendre un patient du début. C’est une vrai chance que Neuf Nuages ait été là et ait eu la présence d’esprit qu’il fallait, dit le médecin de garde.

Au bout d’une heure, Ulfilla s’endormit lui aussi.

Le lendemain, il fut réveillé en sursaut par Theleilan et Neuf Nuages. Ceux-ci se précipitaient du sanctuaire de la Cloche d’Or. Le danseur n’avait même pas enlevé son maquillage ni pris sa douche pour arriver plus vite.

— Tu nous as manqué mais la cause est bonne. Comment ça se passe? demanda Theleilan dans la langue d’Artham.

— Regardez, elle est malade.

— On l’a bien vu. Et comme t’étais pas rentré ce matin, on a bien compris que quelque chose allait pas. On a décidé de continuer la routine quotidienne, puisqu’il en faut des comme nous.

— Je vais veiller auprès de Taide tant qu’elle sera ici. Je veux pouvoir m’occuper d’elle à temps plein. En même temps, j’espère que les nouveaux tests la guériront, elle et les autres. C’est la dernière chance.

Il soupira, puis enleva ses gants, son couvre-visage, en fait tout ce qui le recouvrait sur le plan sanitaire. Il prit la main toute fiévreuse de son épouse.

— Si ça marche pas, je vais mourir avec elle.

Theileilan et Neuf Nuages réagirent à ces paroles.

— Non, Ulfilla, tu dois rester en vie, supplia Theleilan.

— Laissez-moi, insista Ulfilla.

— Mais Ulfilla…

— Je dis : laissez-moi, hurla-t-il.

Saisis, ses collègues ne l’avaient jamais imaginé ainsi. Tout le personnel soignant sursauta, se retournant dans sa direction. Plusieurs malades tressaillirent. 

— Est-ce que ça va, Barde Ulfilla? demanda un médecin qui s’était rapproché.

Ignorant complètement ses deux compagnons ainsi que le médecin, le barde murmura une autre des chansons d’amour du couple mythique, où il était question de mourir ensemble. Puis il se rendormit.

———

Quand Ulfilla se réveilla, des liasses du journal du Seigneur étaient éparpillées sur le lit de Taide. Un de ses compagnons était passé. Il déposa tendrement sa main sur le front de sa femme. Elle était toujours fiévreuse. Puis, il attrapa une des liasses et entama sa lecture. Il verrait plus tard avec Theleilan pour la transcription. Voici ce que donna la consultation.

Il y avait eu sur la princesse une tentative de viol. Ceci vint le chercher. Il lut le texte avec beaucoup d’attention.

Une nuit, le Seigneur fut réveillé en sursaut et se précipita dans la chambre de la Princesse. Elle s’était endormie très tôt, trop tôt, après avoir bu un simple jus de fruit. 

Elle était complètement assoupie et un des nouveaux serviteurs était en train de la déshabiller. Avec rudesse. Épée Indomptable l’avait écarté de son amoureuse tout en lui donnant un solide coup de poing au menton. Les deux hommes s’étaient roués de coups mais, pour finir, le Grand Gardien avait eu le dessus. Avec des draps, il avait garrotté l’individu, inconscient. La princesse ne s’était même pas réveillée, sûrement sous l’effet d’une drogue.

Quand le triste sire avait enfin ouvert les yeux, le Seigneur l’avait interrogé. Il ne s’était pas livré facilement mais avait fini par cracher le morceau. Il avait voulu violer la princesse, l’ayant droguée pour ne pas qu’elle s’échappe. S’il y avait d’autres personnes derrière son acte? Le Grand Gardien n’avait pas été capable de le savoir, sinon qu’il allait être envoyé à la mort, en juste punition de son acte.

L’homme s’était retrouvé en prison, le temps de l’enquête, de la cour de justice, du jugement.

Des larmes coulèrent des yeux d’Ulfilla. Ces derniers jours, le journal ne contenait que des persécutions envers le couple. À date, rien n’avait été aussi loin. La mort était bien la punition normale des amoureux. Mais exécuter un Grand Gardien? On avait trop besoin de ses services d’ost. Violer la Princesse? Alors qu’elle allait retourner au royaume des Montagnes Fleuries dans les prochains jours? On les punissait autrement.

Et en même temps, il réalisait à quel point on en voulait aux deux amoureux. Ne pas dévoiler cette partie de leur passé, à Taide et à lui, était vraiment une question de survie. Malgré tout, on avait voulu les assassiner. À plusieurs vies près, un scénario similaire…

Il regarda Taide d’un air suppliant. Puisses-tu vivre encore, ma dulcinée! Serrant sa main, il lui envoya des vibrations d’amour spirituel partant du cœur. Elle était fébrile. Cela eut l’air de la calmer.

Puis un infirmier vint le trouver. 

— Barde Ulfilla, c’est l’heure de son traitement pour votre épouse.

Il opina de la tête puis s’écarta pour laisser travailler le soignant. 

———
 
 

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© Michèle Dessureault, 2024

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